On ne sait pas assez qu’il n’existe pas Un désert, Le désert, mais de très nombreuses étendues qui répondent à ce terme. Les terres arides s’expérimentent et se déclinent en bien des couleurs. Déserts cuivrés basaltiques, terres noires recouvertes de laves solidifiées, couvertures rose pastel douces comme une moquette, mers de sable où les pieds s’enfoncent dans la touffeur des vagues, dunes bien sûr, parfois trouées de lacs turquoise… Nous laisserons aux géologues la tâche de poursuivre cette liste inachevée, précisant seulement qu’il existe aussi Un Désert BLANC. S’il ne se prête pas à l’expérience de la véritable solitude, dans l’exercice de la marche, par exemple, l’on n’en sort pas indemne. Brulés par le soleil et la soif, l’on est un peu plus proche des étoiles de Minuit et de L’histoire de la terre.
Paysage de fantaisie
Étrange paysage que cette carte de neige, où des formes bizarres, éparses, inhabituelles, semblent estompées par une brume légère. Une lumière rasante métamorphose les roches, la végétation est brûlée dans une atmosphère feutrée, au cœur d’une chape blanche qui semble résister. Une coulée blanche traverse le panorama, il pourrait s’agir d’un dégel précoce au cœur des masses de grès dispersées comme la fonte d’une neige apparemment immobile.
Un désert
En fait,il ne s’agit ni de neige, ni de dégel. Seul l’œil habitué d’un touriste occidental perçoit ce qu’il connait déjà, ramenant l’inconnu au connu. Il met un certain temps pour découvrir l’originalité sans égale du « désert blanc » d’Égypte. Un désert atypique qui déjoue les stéréotypes les plus indéracinables sur le désert en général : un désert, ce sont des dunes aux courbes blondes impeccables, ciselées en longues chaînes par le vent qui souffle jour et nuit…
Ici, finis les clichés ; entrer dans l’immense territoire du désert blanc, c’est aller de surprise en surprise. L’on est à l’ouest du pays, proche des oasis de Barhya et Farafra. Le désert fait 60 km de largeur et autant de longueur ; il cumule quelque 60 millions d’années, du temps où la mer avait envahi les roches, déposant sur un socle de grès des alluvions calciques. Craie, calcaire, calcites ! Tout ce qui a émergé forme autant de carapaces brillant sous le soleil, éclatant de blancheur. L’érosion, au fil du temps, en partie à cause des vents de sable, a sculpté d’incroyables massifs, des pitons ou des roches uniques, alternant avec des formes indéterminées, mais multipliées à l’infini.
Une expérience unique !
On marche, perdus entre de grands massifs étincelants et de multiples petits monticules, refaisant, à bien y réfléchir… l’expérience d’Alice au pays des merveilles… Sans lapin blanc, ni chapelier fou, mais ballottés entre la démesure de formes bizarres surgies de nulle part, et le soudain rétrécissement de formes semblables, qui libèrent tout à coup la perception d’un horizon absolument vide. Paysage insolite qui laisse s’échapper les imaginations les plus échevelées. Sans logique, comme Alice en son rêve un peu fou !
Certains avaient d’abord pensé, faute de mieux, traverser un paysage sorti du congélateur, mais nous sommes fin octobre. Il fait 40 degrés, c’est la fin d’un été caniculaire… et malgré la chaleur ambiante, on persiste à identifier le non-identifiable. En nommant ces silhouettes parfois monstrueuses – “un monstre”, c’est bien ce qui étonne – chacun récupère un semblant de sens. Là ? Cette étendue aux formes répétitives, “le désert des tentes” ? Plus loin, un animal menaçant en position d’attaque. Et puis, tout ce que l’on veut voir : des maisons délabrées, d’énormes champignons… tout un décor où tourner des films de fiction parfaitement inédits. Dans le lointain, on peut deviner de grands murs obliques, couleur de sable clair : l’on retrouve un peu la silhouette des grands temples de Louxor. Peut-être même ces immenses triangles aux arêtes aiguës sont-ils une sorte de prototype naturel des célèbres pyramides… Très tôt, la lune se lève : une lumière indirecte fait vivre ces formes différemment. Un autre monde se dévoile, comme cette sculpture spontanée qui réjouit d’autant plus que la main de l’homme aurait pu la façonner.
C’est l’hiver, maintenant, et bien des contrées de notre pays scintillent sous la lumiére des cristaux de neige dont la teinte varie en fonction des heures du jour. Dans quelques mois, pousses, fleurs, végétation réapparaitront. L’européen vit d’alternances : du froid, du chaud, du sec, de l’humide, au rythme des saisons, au gré de leurs couleurs.
Là-bas, à l’ouest de l’Égypte, entre deux oasis, il est un monde à part où le blanc du paysage, quasi immuable, évoque un de ces “paradis blancs” qui n’en finirait pas. C’est une sorte d’autonomie du minéral qui simplement demeure, mélangeant l’ocre des sables à la pureté des calcites. Le silence profond des pierres nous invite, la nuit, à plonger loin en arrière, quand la terre prenait forme, en un solennel étirement de siècles et de millénaires… quand l’homme alors, n’existait que dans la pensée de Dieu.
Annick Rousseau – Photos : B. Rousseau
Unique ! J’en ignorais l’existence et j’ai voyagé avec vous ! merci madeleine
Superbe coup d’œil. Tout comme l’immensité du firmament, ce désert blanc égyptien proclame, à sa manière, la gloire de Dieu !
Merci pour cette belle prose enluminée d’images qui manifeste à nos yeux, et dans nos cœurs, la poésie du Verbe.
Merci pour cette belle évocation du silence et de l’immensité, figures du divin, comme le
rappellent si justement les derniers mots ! Voilà un “coup d’oeil” qui devient un vrai regard méditatif !
Merci de nous faire partager votre emotion devant ces paysages magnifiques,votre émotion et votre culture.
Evelyne
Le commentaire est si magnifiquement onirique que même si les photos n’apparaissaient pas on imaginerait le paysage exactement tel qu’il doit être ! bravo !
C’est magnifique ! le récit témoigne du vécu des sensations… qui ne peuvent être que “fortes”.
Merci de nous partager cette expérience et de nous faire voyager d’un simple “clic”. Très belles photos.
Chantal