La grotte (en provençal : baumo) de sainte Marie-Madeleine est une grotte naturelle creusée par l’érosion. Elle est dite sainte du fait que, selon la tradition de Provence, sainte Marie-Madeleine y vécut les trente dernières années de sa vie, après avoir accosté aux Saintes-Maries-de-la-Mer ou à Marseille et évangélisé la région.
I. Un lieu de mémoire
La (Sainte) Baume, au féminin, ne tient pas les promesses linguistiques qu’elle laissait entendre au masculin. Un baume est un onguent, l’apaisement d’une blessure infligée au corps. La Baumo, en provençal, désigne une grotte, l’excavation naturelle au flanc d’un rocher. La Sainte Baume serait alors un lieu particulier, marqué au sceau d’un sacré toujours à redécouvrir.
Pour les marcheurs, randonneurs, pèlerins ou pénitents, aborder le massif de la SAINTE BAUME, c’est quitter le plat pays de St Maximin, pour atteindre en quelques minutes la fraîcheur de la forêt primitive, la solitude des chemins, la beauté des sous-bois. Là, au premier siècle encore, les déesses païennes de la fertilité habitaient au creux des cascades.
Aujourd’hui, la plupart des touristes ne peut ignorer, en suivant l’allée principale qui serpente sur quelque 900 mètres entre l’hôtellerie et le monastère, qu’ils abordent un vénérable lieu de mémoire : la grotte, creusée dans l’immense falaise serait justement le lieu où Marie-Madeleine, la pécheresse repentie de l’Évangile, proche du Christ et désormais proche de chacun de nous, aurait vécu les trente dernières années de sa vie, uniquement vêtue de sa longue chevelure. Un thème somptueux pour les artistes au fil des âges : la beauté devenue transparente de la femme ermite, se présentant sous la cascade ondulante de sa chevelure !
II. Portrait de Marie-Madeleine
Pour comprendre le chemin spirituel de la Madeleine, nous laissons la parole à l’un de ses familiers, un de ses proches qui a appris à dépasser les querelles séculaires au sujet de son arrivée, en barque à Marseille, comme à relativiser les hypothèses ésotériques récentes, suscitées par le trop célèbre “Da Vinci code”.
Annick Rousseau
Femme, pourquoi pleures-tu ?
Telle qu’elle nous apparaît dans le chapitre 20 de l’Évangile selon St Jean, Marie-Madeleine est plus qu’un personnage : elle est une figure. C’est comme si chacun de nous pouvait se reconnaître en elle. Elle est la figure de l’Église, et la figure de l’Humanité. Il y a en ce matin de Pâques un parfum de nouvelle création.
St Jean, généralement si soucieux de situer les événements de la vie de Jésus en fonction des fêtes juives, ou en fonction de la chronologie des jours précédents, commence à neuf « le premier jour de la semaine. » Beaucoup d’indices nous mettent sur la piste des premières pages de la Genèse : les anges, appellation « Femme » (deux fois), et surtout la sainte méprise au sujet de l’homme qui l’interpelle : « Le prenant pour le Jardinier » dit le texte. Non pas méprise, mais profonde intuition théologique ! Adam, placé par Dieu dans le Jardin pour le garder et le cultiver n’est-il pas la figure du Christ, Jardinier de nos âmes, Nouvel Adam rétablissant l’humanité dans sa condition originelle ? Dans cette perspective, Marie la Magdaléenne est l’antithèse d’Ève. Elle fait le chemin inverse de celle qui, séduite par le Diable, fut chassée du Jardin d’Eden dont l’accès resta longtemps gardé par les chérubins. Marie Madeleine, pécheresse pardonnée, délivrée de ses sept démons (Lc 8: 2), sanctifiée par le sang de Celui qu’elle vit mourir en Croix (Jn 19:25), morte au péché avec le Christ alors qu’elle se penche vers l’intérieur du tombeau, la voici maintenant réintroduite dans la beauté première et la grâce du renouveau.
Fra Angelico la dépeint dans un cadre virginal.
Il y a un parfum de printemps et de vie nouvelle ! Mais l’itinéraire de notre grande sainte ne s’arrête pas là. Sous la plume de saint Jean apparaît, en filigrane, le Cantique des cantiques. Marie Madeleine est aussi la bien-aimée en quête de son bien-aimé. Elle lui avait réservé son nard pur (mot rare Ct 4:14 et Jn 12:3).
Mais en ce matin de Pâques, elle est désemparée : « il avait disparu » (Ct 5:6). « Je l’ai cherché mais ne l’ai point trouvé ! Les gardes m’ont rencontrée, ceux qui font la ronde dans la ville : avez-vous vu celui que mon cœur aime ? À peine les avais-je dépassés, j’ai trouvé celui que mon cœur aime. Je l’ai saisi et ne le lâcherai point » (Ct 3:2-4). Mais Jésus ne veut pas être saisi ! « Je ne suis pas encore monté vers le Père, mais va trouver les frères et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père. » On pourrait dire qu’il y a une triple conversion de Marie-Madeleine : du péché à la grâce, de la mort à la vie, du monde d’ici-bas au monde à venir. Ce dernier retournement qui lui fait reconnaître son « Rabbouni » implique un renoncement à trouver Jésus ici-bas et à le saisir. Glorifié par sa résurrection, il ne se laisse appréhender que par la foi et l’amour. C’est dans l’annonce de la Bonne Nouvelle, dans la mission, qu’elle trouvera Celui que son cœur aime. Il paît son troupeau (Ct 6:3). Marie Madeleine connaît un état d’union mystique d’une telle intensité qu’elle est portée à faire de grandes choses pour Dieu, et surtout à le faire connaître et aimer. Le « avez-vous vu celui que mon cœur aime ? » n’est plus seulement le reflet d’une quête personnelle, c’est une invitation lancée à tous ceux qui sont au loin à chercher et à découvrir celui qui seul peut rassasier le cœur humain. Premier témoin de Jésus ressuscité, et figure de ce que Jésus veut accomplir à l’égard de toute âme pécheresse, Marie-Madeleine est le chef d’œuvre de la grâce, peut-être aussi un signe d’espérance donné à ceux qui peinent.
Après l’annonce de la résurrection aux disciples de Jésus, et sa prière avec les Apôtres dans l’attente de l’Esprit (Ac1:14), nous perdons ses traces dans l’Écriture Sainte. La tradition la fait venir en Provence où elle est la patronne des pénitents, des prêcheurs et des mystiques. La Sainte Baume n’est-elle pas, à juste titre ce creux de rocher où, telle une colombe (Ct 2:14), Marie-Madeleine fait entendre sa voix et révèle le charme de son visage, pour ne pas dire sa figure ?
Fr. Henri-Dominique de Spéville (dominicain)
Encarts :
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C’est par une bulle datée du 6 avril 1295 que le pape Boniface VIII établit une maison de l’Ordre à la Sainte Baume, en même temps qu’il érigeait un couvent à St-Maximin, respectivement lieu de pénitence et lieu de sépulture de sainte Marie-Madeleine. Pour inhabituelle qu’elle ait été dans sa forme, cette fondation fut reçue par les frères comme une grâce du Ciel et un appel de l’Esprit-Saint. Au chapitre général célébré à Venise en 1297, l’Ordre reconnut Marie-Madeleine comme sa Protectrice particulière, et il fut décidé que sa fête, fixée au 22 juillet, serait célébrée avec grande solennité dans tout l’Ordre. Sainte Marie-Madeleine est la patronne principale de notre Province de Toulouse. Elle est invoquée sous le vocable d’Apôtre des Apôtres.
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L’iconographie médiévale se plaît à représenter Marie-Madeleine, vêtue de sa seule chevelure, non pas pénitente dans sa Grotte comme aux XVIe et XVIIe siècles, mais élevée par les Anges sept fois le jour. Par delà l’anecdotique, ne pouvons-nous pas y discerner comme de libres variations sur des thèmes évangéliques ? Revenue à la nudité originelle où l’indécence est absente, telle la nouvelle Ève servie par les Anges, la Première à voir le Christ ressuscité et la Première aussi à recevoir la révélation de l’Ascension n’avait qu’un désir : « rechercher les choses d’en-haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu.» (Col 3:1). Morte au péché, sa vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu.
Merci au Frère Henri-Dominique de Spéville, O.P. pour son aimable contribution à ce “coup d’œil”, aussi bien pour le texte que pour les photos.
Natif de l’Ile Maurice, lieu de soleil et de lumière, dans la fidélité à l’Ordre il a vécu avec quelques frères six années dans le Monastère accroché au flanc de la falaise : veilleurs au seuil de la Grotte, dans le froid et l’humidité, au rythme du soleil frappant ou désertant le rocher.
Randonneurs et pèlerins, c’est une foule de visiteurs qui monte à la Sainte Baume. Il est possible aussi de frapper à la porte de l’hôtellerie, en contre-bas, où sont proposées un grand nombre d’activités. Les frères dominicains et Marie-Madeleine, chacun à sa place, habitent ces lieux.
Annick Rousseau
Marie Madeleine, passion de la Sainte-Baume
Merci pour cette belle présentation du site. A découvrir absolument!
Amitiés
Nanouchka